
Nicky Le Feuvre
Enseignante-chercheuse, Professeure de sociologie du travail à l’UNIL, avec un intérêt tout particulier pour les questions de genre
Mon Métier
Consiste à comprendre les caractéristiques et évolutions du monde du travail, puis à analyser comment elles s’articulent avec les changements en cours dans d’autres espaces sociaux. J’aborde ces questions notamment par les enjeux de la féminisation du marché du travail et de l’égalité femmes – hommes. Je mène ainsi des enquêtes «de terrain» pour récolter des données originales et je mobilise les données dites «secondaires», afin d’affiner mes questions de recherche ou valider mes hypothèses.
Ce qui m’inspire et me motive
Bénéficier d’une grande liberté dans le choix des sujets de recherche, méthodes d’enquête, contenus de cours. Pouvoir laisser libre cours à sa curiosité, sans jamais tomber dans la routine. La sociologie permet d’explorer de nombreux sujets, de découvrir des phénomènes sociaux émergents, voire d’influencer des décisions politiques. Des résultats attendus viennent parfois confirmer nos conclusions, permettant de consolider les savoirs et d’identifier les ruptures et continuités dans un monde en évolution.
Être une femme dans ce contexte
Ma discipline considérait les expériences des femmes comme des «exceptions». Dans les années 1990, elle a saisi les méfaits de ce «biais androcentrique» (compréhension du monde basée sur les expériences masculines) et a cherché à l’éliminer. J’ai connu une période enchantée pour débuter une carrière en sciences sociales, avec un nouveau domaine scientifique à développer, consolider et faire (re)connaître, celui des «études genre». Une réelle source d’épanouissement professionnel pour moi !
Valeurs importantes à mes yeux
Ce métier nécessite de combiner curiosité, créativité, honnêteté intellectuelle et rigueur. Familier, le monde social ne se laisse pas facilement appréhender d’un point de vue scientifique. Le «manipuler» en laboratoire pour voir comment il réagit lors d’un changement est impossible. Les sujets de nos études, humains, ont leurs avis et opinions propres. Nous devons les interpréter avec les grilles d’analyse théorique parfois élaborées avec les «sujets», puisque la science fait intégralement partie de la société.
Une anecdote
Je pense que les femmes peuvent être moins contraintes par les conventions académiques que certains hommes, pouvant ainsi ouvrir de nouvelles pistes d’exploration scientifique. J’ai le sentiment qu’elles sont souvent préoccupées par les implications sociales de leurs recherches. Dans mon domaine, les femmes ont montré que l’on n’a pas besoin d’être politiquement désintéressée pour faire de la bonne science. Au contraire, un intérêt à la transformation du monde peut en motiver la compréhension.
Message aux futur·e·s scientifiques
La recherche repose sur l’idée qu’il y a beaucoup de choses que nous ne comprenons pas a priori. Il faut se donner les moyens d’écarter les idées reçues et d’étudier la réalité de manière objective et systématique, loin de tout dogmatisme. Les avancées scientifiques les plus significatives résultent de coopérations collectives de longue haleine et non pas de «performances» spontanées individuelles. Il n’y a aucune raison que les femmes soient écartées de cette activité collaborative, à portée humaniste.
Portrait réalisé par : le Service Culture et Médiation scientifique
Illustration : Maurane Mazars